DES BÊTISES...
Des bêtises
Lorsque parfois tu osais t’épancher, mis en confiance
Par l’ambiance d’une soirée où «l’on est entre amis»,
Ils le disaient bien, que cela ne pouvait pas exister,
Des rivières dont la noirceur d’orchidée en sinuant
Sous les éclats bleus du ciel, s’écoule sans les emporter.
Des fleurs des champs dont le mutisme tinte dans la brise.
Des oiseaux nomades qui racontent en leur langue cristalline
Qu’il se trouve au-delà des mers des continents sans hivers
Peuplés d’enfants aux yeux noirs qui n’ont jamais de leur vie
Ni connu de patinoire ni lancé la moindre boule de neige.
Que cela ne peut exister : la musique des objets
Quotidiens, le petit cri flûté du verre en cristal
Qu’on pose dans l’évier. Le chantonnement du cuivre
Dans lequel l’eau bout. Le bruissement, dans le tiroir,
Des petites cuillères, comme un souvenir de cloches
Enfermées dans l’épaisseur du temps, qui cherchent
Leurs aises. Le chuchotis des feuillets tachés d’encre
Pleine ou déliée en forme de bavardages plus ou moins
Hâtifs. Evidemment, passons sur les danses en alphabet
Morse du mâle araignée, sur le lamento berceur, au nid,
De l’orang-outang persécuté par les primates à fusils.
Sans compter les jeux rayés des tigres amoureux,
Les noeuds de trompes auxquels jouent les éléphants,
Mille choses qu’en craquant te racontait toutes les nuits
En grimaçant l’armoire d’ébène chinoise, près de ton lit,
Dans la maison du grand-oncle «retraité des pays chauds».
Que ça ne peut pas exister les pierres amoureuses qui
Se collent l’une à l’autre comme des aimants. Ni la lune
Qui glisse un long doigt d’argent par l’interstice du volet.
Bref. Rien de ce que tu as perçu durant toutes ces années
N’a jamais existé. Il serait tout de même temps qu’enfin
Tu comprennes qu’il faut cesser de raconter des bêtises.